Essai par Moto Pulsion:
Plus qu'une remise à niveau
Si la concurrence s'est contentée de petites améliorations ici et là, Kawasaki a revu sa copie en profondeur. Et, pour une fois, ce n'est pas uniquement à une soustraction de poids et une addition de puissance que l'on assiste. C'est presque le contraire! En effet, la puissance "absolue" n'évolue pas et la belle prend même de l'embonpoint : plus 5 kg au verdict de la balance.
La précédente génération était connue et reconnue pour son caractère brutal et ses réactions vives, particulièrement de l'avant. Le nouveau millésime tente d'adoucir ses réactions tout en gardant cette âme si spécifique à la série des Ninja. Pour y arriver, le travail sur le moteur a été important car, pour maintenir la puissance tout en passant les normes anti-pollution Euro-III, il a fallu faire attention à tous les détails. Une guerre de tous les instants contre les pertes dues aux frictions a été engagée. L'injection dispose d'une pulvérisation ultra-fine qui permet une réponse plus linéaire et plus douce de la puissance. L'entièreté de l'admission d'air a été revue pour plus d'efficacité: conduits, boîte à air, valves,… améliorent le flux d'air.
Côté châssis, la première opération a été de repositionner le moteur avec le vilebrequin plus haut, ce qui, combiné aux autres modifications, augmente la centralisation des masses et le centre de gravité. Ensuite, c'est au tour du bras oscillant d'être remplacé par une toute nouvelle pièce dont le point d'ancrage a été descendu. Très léger, ce bras oscillant pèse pratiquement la même chose que celui qui équipe la ZX-6R.
Niveau freinage, on retrouve un nouveau maître-cylindre de type radial qui actionne toujours des étriers à quatre pistons (quatre plaquettes indépendantes) sur des disques « pétale » de 300mm. L'arrière est confié à un simple disque de 200 mm avec étrier à simple piston.
L'habillage se devait suivre la même évolution. C'est pour améliorer l'aérodynamique que tous les changements ont été consentis. Les ingénieurs estiment que le travail aérodynamique de la ZX-10R "vaut" 10 chevaux de puissance à 280 km/h. Les changements sur la tête de fourche ont été possibles grâce à l'adoption d’un nouveau phare, compact et léger. A l'arrière, le principal changement vient évidemment de la présence de la double sortie d'échappement. On notera enfin l'intégration complète des clignotants, tant à l'avant qu'à l'arrière.
Accueillante
Le temps de s'installer au guidon est venu et, comme souvent maintenant, on trouve immédiatement ses marques. Malgré les changements, le triangle repose-pieds/selle/guidon permet toujours, même aux grands gabarits, de trouver une assise accueillante. Orientée vers l'attaque bien évidemment mais en laissant vraiment de la marge pour trouver la position adéquate. Contact. Le tableau de bord s'illumine: une agréable impression s'en dégage. La disposition est équivalente au précédent modèle, mais le compte-tours a été remplacé par une traditionnelle aiguille avec la lisibilité qui y est associée. Les autres informations se retrouvent donc dans l'écran digital au centre du bloc compteur. Cet écran semble être un hologramme projeté sur l'écran du compte-tours. Tout simplement beau… La lisibilité est excellente même si la partie supérieure du compte-tours peut être occultée par la bulle, mais on est loin de ce que l'on retrouve sur la ZX-6R actuelle. Le rétro éclairage propose un réglage de luminosité. Un shift light, réglable entre 9.500 et 13.000 tr/min, par tranche de 500 tr/min, permet d'optimiser les changements de rapports.
Facile
Mes premiers tours du circuit de Valence s'achèvent et je peux tirer mes premières conclusions. La machine est aisée de prise en mains, la découverte du circuit permet de mettre en évidence la facilité de la partie-cycle, la disponibilité du moteur et la capacité de la 10R à se faire oublier. Je tenterai même l'expérience d'un tour complet avec le sixième rapport enclenché pour mettre à l'épreuve le bloc. D'une souplesse incroyable ! Il accepte sans broncher de reprendre à 2.000 tr/min sans le moindre à-coup et avec déjà beaucoup de vigueur. Les quelques tours plus rapides effectués en fin de session montrent déjà un autre visage de la ZX-10. Bien que les suspensions aient subi un petit réglage pour s'adapter à l'usage piste, celles-ci étaient encore un peu trop souples. La machine présentait un léger louvoiement dans la dernière courbe rapide avant la ligne droite. Pour la deuxième séance, quelques changements de réglages (détente avant fermée de 1 cran, compression avant fermée de 2 crans, compression arrière fermée d'un demi-tour et détente arrière ouverte d'un demi-tour) ont éradiqué le problème, preuve de la sensibilité des réglages et donc de la qualité des suspensions d'origine.
Avec ce changement de comportement, la confiance est en augmentation et donc le rythme également! Le moulin de la 10R révèle alors son véritable visage, plein à tous les régimes, les accélérations sont franches et ne sont arrêtées que par le rupteur, à plus de 13.000 tr/min. En parlant du rupteur, il y a une expérience que l'on aime toujours faire: pousser chaque vitesse à fond, histoire de voir… Et pour arriver à voir, il faut faire très attention car la première vous emmène à 168 km/h, la deuxième à 208 et la troisième à 245! Pour la suite, il faudra, au moins, une piste d'atterrissage! La ligne droite était avalée en moins de temps qu'il ne faut pour… l’écrire, avec une vitesse de pointe avoisinant les 270 km/h. La prise des freins était alors plus que nécessaire pour négocier le premier gauche sur le deuxième rapport. Les freins qui, malgré l'enchaînement des sessions, n'ont jamais montré le moindre signe de faiblesse ou de "fading". L'avant est planté dans le sol, pendant que l'arrière dandine légèrement, aidé par le limiteur de couple de l'embrayage qui annihile toute possibilité de blocage de la roue arrière. Les entrées de virage sont alors beaucoup plus sereines et l'on peut se concentrer uniquement sur son point de corde. La connaissance du circuit et de la machine aidant, les prises d'angle sont plus importantes. C'est alors que, dès la deuxième séance, les ergots de repose-pieds viennent lécher le bitume. Un exercice que l'on apprécie toujours mais qui a tendance à nous écarter de la bonne trajectoire. La garde au sol, bien qu'importante, semble insuffisante sur piste avec ces longs ergots. Après la pause de midi, alors que j'enchaînais les virages de la même manière, plus le moindre frottement… Mais qu'a-t-on changé? Disons, plutôt, « supprimé ! » Les ergots ayant disparu, la 10R retrouve toute sa superbe avec une garde au sol qui ne pose plus aucun problème, si ce n'est celui du budget à prévoir pour remplacer les sliders de vos bottes!
En fin de journée, les machines reçoivent les réglages, peaufinés pendant toute l'après-midi par le pilote/essayeur présent, adaptés à la piste de Valence. Le comportement a radicalement changé: beaucoup moins naturelle lors des premiers tours de roues, elle se comporte comme une véritable machine de course. Il ne reste qu'à supprimer le phare et les rétroviseurs! La fin de journée met également en évidence le travail des pneumatiques: les excellents Pirelli Super Corsa Pro. Après seulement une après-midi à devoir supporter les incroyables accélérations dont est capable la ZX10, le pneu arrière montrait une grande fatigue. Il faut dire aussi que Valencia soumet le flanc gauche aux pires conditions… Mon avis est qu’on aurait pu limiter cette usure par un réglage un peu différent de la suspension arrière… A essayer avec plus de temps. Lors de la livraison des machines, c'est sur des gommes Dunlop Qualifier que vous quitterez le magasin.
Conclusion
Bien que toujours aussi rageuse, la Kawasaki ZX-10R se montre – un peu – plus polie, plus docile. Mais elle demande toujours plus d'attention que la concurrence, malgré le très bel amortisseur de direction signé Ohlins, lors des grosses accélérations. Le passage d'une vitesse (par exemple, de deux en trois au début de la ligne droite) demande à ne pas être agrippé trop fermement au guidon, pour ne pas provoquer de réaction de la direction. C'est évidemment délicat, puisque c'est à ce moment que la 10R délivre toute sa puissance! Et quelle puissance!